Cédric Tesseire

Cédric TESSEIRE

Dans la peau, la peinture

« Je t’ai dans la peau », disent les amoureux, I have got you under my skin, rétorque Cedric Teisseire. Il nous rappelle que son travail interroge ce qui se tient à la surface de l’œuvre mais aussi en elle et en dessous. Depuis une vingtaine d’années, l’artiste revisite, en les bousculant, quelques grands mythes picturaux modernistes – l’abstraction et le monochrome –, mais aussi des formes contemporaines – la pureté minimale, le support concret –.

Quand on l’a cru parfois niée ou dépassé, la peinture revient partout chez lui comme matière, trace, signe et procès pictural ; faire œuvre c’est en revenir à la surface, à cette peau, dont Paul Valéry écrit qu’elle est en l’homme ce qu’il y a de plus profond.
I have got you under my skin présente un ensemble de pièces qui se tiennent, au contraire, au croisement du relief, de la peinture et du miroir. Dans un geste de sculpteur et de peintre, Cedric Teisseire défait et recompose. Parfois héritier du Nouveau Réalisme, il fait fondre, au lieu de les compresser, des accessoires automobiles, en les exposant sur les cimaises, à la manière de toiles brûlées.

L’entropie et l’accident occupent une part importante dans son travail. Défaire, c’est toujours faire autrement. Ailleurs, il plie et tord les Dibonds, ici il attaque à la ponceuse les plaques d’aluminium laquées dont émergent d’étranges spirales, échos lointains des roto-reliefs duchampiens. Et si l’on retrouve quelquefois le souvenir d’une œuvre d’Ellsworth Kelly ou de Frank Stella, les pièces de Teisseire frappent toujours par leur fausse simplicité : sous la plaque tordue – à mi-chemin de la toile et du relief – se trouve une couleur dissimulée, une sorte d’aura, comme à l’envers des choses. Sur la surface poncée du Dibond s’anime aussi une danse mécanique et répétitive de ronds, qui semble extraite du Ballet mécanique de Fernand Léger. Voici encore des lacis, des entrelacs, des formes abstraites serpentines, quasi spectrales, qui lacèrent la surface, l’abîment, l’entaillent tout en la magnifiant.
(Extrait Olivier Schefer )