Nouvelle Exposition à la Galerie Dupré et Dupré à Béziers
A partir du Samedi 29 Septembre, venez découvrir la nouvelle exposition à la Dupré & Dupré gallery :
Fabien Boitard et Laurent Joliton prennent place à la galerie. !
Fabien Boitard - Canardé
Laurent Joliton - Secret
Echappée Poly-Facturée
Du côté de chez Dupré et Dupré (Béziers, rue des anciens combattant), on semble à juste raison vouloir militer pour une nouvelle tendance, qui se concrétise depuis quelques temps, et qui tend à vouloir pérenniser l’activité picturale.
A l’intérieur du champ des arts plastiques, et à côté de toutes les activités qu’ils finissent par inclure, la peinture revendique son histoire, sa pérennité, sa faculté à intégrer toutes les innovations qu’on lui oppose, sa capacité à remodeler et à incarner par la matière toutes les images qui inondent nos écrans et nos ouvrages. Elle est tout à fait capable d’assimiler l’art du mouvement, de tenir compte des avancées technologiques ou scientifiques, et elle s’accommode très bien d’un espace qu’elle ne demande qu’à remplir, quitte parfois à sortir de ses limites, à glisser le long des murs et à lorgner vers la sculpture ou l’installation. Fabien Boitard et Laurent Joliton font partie des artistes qui n’auront cessé, depuis deux décennies, de renouveler notre vision de la peinture, trop attachée encore à une abstraction de bon ton, aux derniers soubresauts du surréalisme ou à une figuration sauvage qui a eu le mérite de s’approprier la BD, les mangas, les spécificités identitaires. Le premier Fabien Boitard, en particulier, malmène la peinture comme si s’incarnait pour lui, à travers elle, toute la colère que suscite sa réception en France (alors que les peintres sont reconnus à l’étranger), l’aveuglement voire le déni qu’elle subit de la part des décideurs et des intermédiaires.
Saine colère qui génère de l’énergie et donc de multiples expérimentations. On le voit flouter ses images, parfois même en pixelliser la surface, en maculer le premier plan de taches vives et bien visibles comme pour lutter contre un flux ionique permanent et qui finit parfois par devenir insupportable. Boitard nous invite à l’arrêt sur l’image, dont il renouvèle la facture : en créant des situations improbables, en renversant le paysage (son canard plongeant) et ses perspectives, en mêlant les échelles, en recherchant l’incongruité (bande d’enc…), en créant parfois le malaise (son corbeau mazouté), en reliant deux univers (un château sur une tente), en mettant en exergue un élément au détriment de son environnement direct (un faisan chassé, un gâteau d’anniversaire) et, par-dessus tout en dénonçant le caractère illusoire de la représentation (bâton de couleur trempé dans l’eau d’une mare, taches de couleurs bien affirmées). Il faudrait y ajouter l’univers enfantin dont il s’inspire et qui rend compossible, sur le même plan, des allusions rationnellement incompatibles. Pour finir, évoquons l’intérêt pour le mouvement et, par-dessus tout, la volonté de s’attaquer aux clichés sous toutes leurs formes.
On aura compris que l’on tient, avec Boitard, un peintre d’envergure nationale (on espère pour lui un peu plus). Laurent Joliton semble plus apaisé mais lui également revendique le droit à l’existence d’une peinture décomplexée, davantage tournée vers l’être humain - quand Boitard privilégie le paysage ou la nature animale. Lui aussi aurait tendance à flouter l’image, à laisser la matière picturale, fluide, s’exprimer dans des coulures et transparences bien visibles. Ses personnages tel le cavalier du temps, le penseur ou la femme à la cape, semblent poser, souvent masqués ou dos, mais sans se préoccuper du regard posé sur eux. Ils sont ailleurs ce qui paraît normal quand on sait qu’ils sont extraits d’un contexte (réel ou photographique) pour se voir plongés en un autre, qui se confond avec un univers pictural qu’ils s’efforcent de découvrir, qu’ils scrutent du regard, et avec lequel ils jouent (notamment les enfants). Les couleurs, à la base grises, ne sont évidemment pas naturelles (le noir de la rivière devant un penseur couvert d’ombre verte) et on perçoit bien le contraste entre les contours net et dessinés des protagonistes et le nouveau contexte, des masses colorées, dans lequel ils sont immergés. La nature environnante joue un rôle important et en quelque sorte primitif car après tout avant même la parole au commencement était le geste, et la peinture n’est que gestes, sciemment acquis et maîtrisés avec le temps. Comme on le voit, chez ces deux artistes (mais aussi chez Estelle Contamin et quelques autres), un nouveau rapport à l’image est proposé, une facture nouvelle est revendiquée dont il convient de tenir compte.
Ces artistes de Poly-factures picturales pourraient finir par se mesurer aux diverses adversités, et pourquoi pas s'imposer à leur côté ou à leurs dépens. BTN (L'art-vues)